Petits métiers de survie : Les coiffeurs de l’UCAD

Article : Petits métiers de survie : Les coiffeurs de l’UCAD
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21 septembre 2014

Petits métiers de survie : Les coiffeurs de l’UCAD

Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD). Il sonne environ 12h 30mn, ce mardi 14 janvier 2014. Un groupuscule de jeunes hommes, debout dans les encablures du Pavillon J, dans l’enceinte des résidences universitaires, abordent des étudiants qui passent.

Ils se rapprochent de vous, vous demandent en wolof (langue nationale du Sénégal) si vous voulez vous coiffer. En cas de refus ou d’acceptation, quelques pas en avant suffit pour que se dévoile devant vous des salons de coiffure de fortune en plein air. Eux, ce sont les étudiants-coiffeurs de l’Ucad.

Ils sont environ une trentaine à ériger des fauteuils de circonstance dans un angle du Pavillon J, recevant les étudiants désireux de se raser ou de se coiffer. Et d’ailleurs, on remarque aisément au sol des amas de cheveux, des débris de lames rasoir et des morceaux d’éponges éparpillés.

En effet, à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, ils sont de plus en plus nombreux les étudiants ou diplômés sans emploi qui, à l’instar de Assane s’adonnent, parallèlement à leurs études ou en attente d’emploi, à des activités génératrices de revenus. L’une de ces activités est la coiffure.

La tondeuse, un gagne-pain

Assane est un jeune d’environ 23 ans, étudiant en troisième année d’Anglais. Coiffer ses camarades est devenu son job, alors qu’il était encore en deuxième année. Il confie que l’exercice de ce job lui permettait de subvenir convenablement à ses besoins et de ne pas paraitre comme un étudiant indigent, qui attend sa bourse ou qui fait l’aumône auprès de ses camarades étudiants.

Car dit-il « J’ai quitté la Casamance pour poursuivre mes études à l’Ucad. Or ma mère qui m’aidait à subvenir à mes besoins est tombée malade et je me suis retrouvé pendant un mois à faire l’aumône à Dakar, en attendant ma bourse. Cette situation m’a révolté à tel point que  j’ai décidé de faire quelque chose. Et c’est là que j’ai commencé à coiffer en m’inspirant des coupes que je voyais sur certaines affiches. »

Mais si coiffer des étudiants est pour Assane un job de circonstance en attente de finir ses études universitaires, pour d’autres par contre, la coiffure sur le campus est carrément devenue un métier. Oumar a la maîtrise en Droit. Mais il peine à quitter l’environnement universitaire, tellement il a pris goût à ce métier qu’il exerce depuis sa 1ère année en Faculté de Droit.

A la question de savoir pourquoi, il est coiffeur dans l’enceinte des résidences universitaires alors qu’il est titulaire de la maîtrise en droit, Oumar révèle : « Pourquoi perdre encore mon temps à chercher du boulot ? Quand j’ai eu ma maîtrise, j’ai passé tout le temps à écumer les cabinets d’avocats avec mes dossiers en main, à la recherche d’un emploi. Mais pendant 6 mois, je n’ai reçu aucune offre. Or il me faut bien vivre. Donc je suis revenu faire ce que je sais faire le mieux et qui me rapporte malgré tout de quoi vivre».

Comme Assane et Oumar, de nombreux autres étudiants s’adonnent à cette activité sur le côté du Pavillon J. Et pour nombre d’entre eux, ce qu’ils gagnent en fin de journée les aide à améliorer leurs conditions de vie assez précaires et à vivre décemment.

Un service à moindre coût

Contrairement aux salons de coiffure qui existent dans la ville de Dakar et dont le prix de base est d’au moins 500 francs CFA (moins d’un euros), les salons de coiffure des résidences universitaires offrent leur service à 300 francs CFA (environ 0,5 Euros). Un prix étudiant, qui satisfait la plupart des usagers de ces salons.

Selon Oumar, il était important que le prix de la coiffe soit revu à la basse « car ici c’est une université. Or ayant été, pour la plupart d’entre-nous, des étudiants, nous savons que l’étudiant n’a pas beaucoup de moyens. D’où la nécessité d’ajuster selon la cible que nous avions. »

« Mais même avec 300 francs CFA, nous sommes largement satisfaits » poursuit Oumar en révélant qu’il vit bien de ce métier. « Je ne me plains pas trop car  je reçois entre 10 et 15 clients par jour. Ce qui me fait souvent entre 3000 francs CFA la journée (environ 4,6 euros). Soit environ 100.000 francs CFA le mois (environ 154 euros) »  confie-t-il avec un sourire au coin des lèvres.

Assane quant à lui, révèle qu’en plus de l’argent, ils prennent chez les étudiants les tickets restau. L’unité étant à 150 francs CFA (environ 0,2 euros), ils prennent deux tickets, si l’étudiant qui veut se coiffer n’a pas de l’argent sur lui. Pour lui, « les tickets restau constituent la monnaie universitaire ».

 

Somme toute, s’il s’est développé de nombreuses activités à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD), celle de la coiffure ne respecte pas toutes les conditions d’hygiène nécessaires. L’usage d’une même tondeuse et d’une même serviette de coiffure à tous ses clients ne constituent pas une norme d’hygiène.

Et l’usage de la lame de rasoir à même la tête du coiffé et sans une certaine protection pour le coiffeur sont autant de risques auxquelles sont confrontés ces derniers.

Ulvaeus BALOGOUN 

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